La Bande Dessinée d’expression Arabe
Après la seconde guerre mondiale la Bande
dessinée est devenue un moyen d’expression universel. Contrairement à ce que
l'on a tendance à croire, le monde arabe n'a pas échappé à ce phénomène
international. La Bande dessinée a cependant évolué dans des conditions
différentes de celles du prototype occidental.
La première caractéristique réside dans le
fait que les premières planches étaient strictement réservées aux pages de
revues juvéniles déjà existantes, ce qui en soit constituait un obstacle à
l'évolution du genre. La seconde, est d’ordre culturel et géographique :
si les publications étaient dès leurs débuts panarabes, le modèle d’influence
basculait toutefois entre deux centres ; Le Levant (et à son centre
Beyrouth) et l’Egypte par son hégémonie politique et culturelle dans la région.
Le Maghreb, suivait un itinéraire séparé vue la primordialité de la langue
française dans ses publications ce qui allait limiter sa circulation panarabe.
SINDIBAD/AL-SAHEB et les autres
Naissance de la BD Arabe
Le début des années 50, vue la naissance de
magazines les unes au pays du Levant (AL-SAHEB 1952, DUNIA AL-AHDATH 1955, Libanaises),
l’autre en Égypte (SINDIBAD 1952), premières revues juvéniles à publier dans leurs
pages des Bandes Dessinées, à raison de deux à quatre pages par numéro. Si les premières
éditions Libanaises furent de courtes durées malgré leur multitude (financées
par un secteur privée en voie de développement), leur homologue Égyptien «unitaire»
(éditée par la presse gouvernementale) connue une continuité ininterrompue, et
du fait, une revendication d’antécédence. La contribution d’artistes
professionnels dans SINDIBAD tel HASSAN BIKAR (alias Morelli)
dans «Les aventures de Zouzou» ou «Chaddad et Aouad», et la diversité des
styles de dessins ajoutaient à son attraction visuelle. Il est à noter que ces
histoires –souvent d’auteurs anonymes- étaient rédigées en langue littéraire
(problème que l'occident ne connaît pas), et ne s'inspiraient - pour les
personnages, thèmes et décors- d'aucune Bande Dessinée étrangère; le moindre
détail reflétait le contexte arabe : "Tarbouchs"
et "Gellabieh" des
citoyens, espace désertique typiquement arabe, etc...
Vers la fin des années 50, l'arrivée de MIHIEDDINE
LABBAD, donnait à la revue un style d'expression et de dessin
particulier, plus proche du style local de la caricature. LABBAD a réalisé
plusieurs séries isolées de gags dont les personnages et l'esprit n'ont pas été
exploités après lui. Parmi ces créations, Tamatem
le pèlerin, Merjan, Le Professeur Fassoulia, Le Cow-boy, Zakzouk Marzouk et Maatouk. La
revue a connu cependant toutes les formes du genre (nouvelles, séries à suivre,
gags, etc...) traitées avec des techniques variées. Le texte de son côté a
adopté le langage littéraire, la revue s'étant placée des objectifs
pédagogiques et sociaux traditionnels suivant les directives gouvernementales.
SAMIR vs BISAT EL-RIH
L'essor
de la Bande Dessinée arabe
C'est avec la création de SAMIR (1956) que la situation s'est redressée. Dès
ses débuts, cet hebdomadaire égyptien se démarquait de SINDIBAD en essayant de
suivre un modèle de publications pareil à TINTIN ou SPIROU. Ce
renouvellement, accordait une place importante à la Bande Dessinée, et redonnait
confiance à des artistes qui s'étaient éloignés. Très vite, les dessinateurs de
SAMIR
s’étaient imposés par la vivacité du mouvement du personnage, aussi bien que de
l'image elle-même et l'enchaînement des vignettes. Les planches de dessinateurs
comme WASSIM (Samir et Tahtah)
ou LOUTFI
WASSFI
(Antar et Ibn Jarjoun, Farid cœur d’acier) se caractérisaientt par la
liberté du mouvement des personnages, la force d'expression et la diversité des
postures, gestes et mimiques. Si NASSIM a suivi dans l'ensemble de
son œuvre l'école belge, LOUTFI WASSFI a été plus loin
dans son expression locale, utilisant un style propre à lui et une liberté de
mise en pages, encore peu courante même en Europe.
La revue doit aussi sa réussite au texte en
langue parlée de la majorité de ses histoires, ce qui les a rendus plus
accessibles et moins imposantes. SAMIR est incontestablement la
première publication à avoir compris (problème que l'occident n'a pas eu à affronter)
que seul le langage parlé pouvait harmonieusement s'intégrer aux narrations
graphiques et par là même toucher la
masse. C'est dans SAMIR qu'apparaissaient
aussi les onomatopées qui, avec NASSIM et les successeurs, seront
utilisées systématiquement. Les dessinateurs de cette période étaient aussi les
premiers à employer les étoiles, gouttes de sueur, ou autres idéogrammes, et à
donner aux bulles des formes variées, pour évoquer voix douces, tonitruantes ou
répliques intériorisées. Dans ses numéros aussi les noms d'auteurs étaient
associés aux œuvres. Des écoles s’étaient même crées autour d'artistes
particulièrement représentatifs. Il est à noter ici que les BD arabes (à
l'exception de certaines aventures comme Tanabilat
al-soubian réalisées entièrement par HIJAZI
et Zaghloul par LABBAD) étaient le
produit de scénaristes et de dessinateurs travaillant de façon
totalement indépendante et même parfois incohérente. Si cette autonomie du
texte allait nuire à la cohésion des récits, elle jouait cependant un rôle
important dans la variation des thèmes, et a permis l'apparition de genres
aussi variés que le polar, la Bande Dessinée historique et les légendes
populaires. A noter les légendes d’Antara
reprises par WILLIAM AL-MIRY (scénariste) et LOUTFI WASSFI
(dessinateur), Hassan Toubar, AL-Nadim le révolté en fuite par AL-BARJINI, ou
l'adaptation des histoires de Juha
(personnage traditionnel comique connu dans tout le Moyen-Orient) par DARACH,
ou mieux, avec la reproduction de conversations et scènes, glanées dans les
souks, les cafés, les rues... LABBAD est avec son Zaghloul Effendi un des dessinateurs à
avoir le mieux réussi dans ce style de la Bande Dessinée.
Le Liban, caractérisé par une ouverture
culturelle, économique et politique à l’Occident, optait de son côté pour une
formule qui cohabitait la production locale à d’autres importées et traduites.
Ainsi naissait la revue BISAT AL-RIH (1962),
où se côtoyait Zouzou de Bahija (Gigea Tomassian), Alaeddine
de TAREK ASSLI et les gags de MAHMOUD
KAHIL avec un Lucky Luke ou un Tintin
(parlant l’Arabe littéraire), et autres héros européens. La qualité de l’impression
(Beyrouth devenue le centre de la publication et de l’imprimerie du monde
arabe) ainsi que la variété des séries proposées faisaient de cet hebdomadaire
la première revue juvénile de l’époque. Encouragé par ce succès son éditeur (ZOUHEIR
BAALBAKI) publiait une série de magazines, mais cette fois complètement
traduite, et basées sur des héros occidentaux sous des titres arabisés : AL-MUGHAMER,
RIN-TIN-TIN, et autres. Un autre éditeur (AL-MATBOUAAT AL-MOUSAWARA)
lançait une série parallèle basée sur les supers héros américains (SUPERMAN,
BATMAN, AL-IMLAK, AL-BARQ, TAREQ etc…) et d’autres productions
anglo-saxonnes (Loulou et Tabboush,
Zeina, etc..) ainsi que des aventures du géant américain Walt
Disney. Ces publications (une
trentaine à Beyrouth), dont certaines étaient éphémères (loi du marché et de la
compétition), envahissaient les marchés arabes des années 70 et 80. Le public
arabe s’était vu exposé à toutes les formes de Bandes Dessinées: les séries en
albums Silsilat Arwaa Al-Kissass (Série
des Belles Histoires), Silisilat Al-Mughamarat Al-musawara (série des Aventures
Illustrées) traduites et adaptés des classiques littéraire mondiales, les formats livres de poche, recueils et
livres éducatifs scolaires, etc.. Mais si cette éruption exhortait et répandait
ce nouveau genre d’expression, elle marquait en sorte le recul de la production
locale.
LA GUERRE DE 1967
«La
bande dessinée confisquée»
L’été 1967, et le traumatisme de la guerre
israélo-arabe, annonçait une nouvelle période marquée par un esprit de
résistance et une volonté de combattre, reflétés jusque dans les publications
pour enfants et donc la Bande Dessinée, qui se fit «confisquée» et encrée dans
le domaine de la politique d'état et la propagande guerrière.
Très vite les héros de Bandes Dessinées ont
été envoyés aux champs de combats, avec pour slogan "Tous pour la Résistance populaire", en couverture du
numéro 592 de SAMIR, chanté par des personnages comme Juha et Samir lui-même.
Dans la mesure de leurs moyens, les dessinateurs s’engageaient en se partageant
les champs d'action: c'est ainsi que Samir et
Tahtah se transformaient par NASSIM en commandos, alors que Farid cœur d'acier accomplissait des
missions militaires. Seul Zaghloul Effendi
-bien qu'impliqué dans la guerre- a conservé ses caractéristiques, son humour
et sa naïveté, contrairement aux autres héros qui s'en étaient départis au
profit d'un militarisme poussé. Une caractéristique propre à la Bande Dessinée
arabe -et n'ayant pas été exploitée par
l'Occident au cours des deux guerres- est d'avoir tenté de propager un
enseignement militaire, à travers les Leçons
de résistance populaire de LOUTFI WASSFI parues dans les
numéros de SAMIR en 1967.
Suivant l’exemple Egyptien, d’autres revues
du Levant (Syrie et Iraq en particulier) voyaient le jour. Editées par des
gouvernements à parti unique Baathiste, prônant le nationalisme Arabe et
la gloire du Zaïm (leader), les revues Oussama
en Syrie (1969), Majallati
(1969) et Al-Mizmar (1970) en Iraq,
étalaient timidement sur leurs pages des bandes dessinées dont le nombre et la
qualité prenaient de plus en plus d’ampleur avec le temps.
Oussama se distinguait dès ses débuts par des
écrivains de renommée exclusivement syriens, tel Saadallah
Wannous, Zakaria Tamer et
Adel Abouchanab
(noms prestigieux de la littérature arabe) accompagnés d’artistes venus
du monde des arts plastiques ou de l’illustration, comme Nazir
Nabaa, Youssef Abdlaki
et Assaad Arâbi. Le contenu à vocation politique et idéologique,
et la qualité pauvre de la production (mauvaise impression, auteurs ne
maîtrisaient pas le langage et la technique de la bande dessinée) rendaient la
revue non attractive pour son public, et faisait que sa circulation se limitait
à l’intérieur des frontières nationales. Cependant, son bas prix (1 euro
environ) et sa distribution souvent gratuite (subventionnée par l’état), assumaient
sa continuité même de nos jours. L’absence d’autres choix de publications
juvéniles (pays de contrôle strict sur tous les médias, et une censure encore
plus sévère) empêchait le développement du genre. Il est à noter toutefois le
passage dans ses pages des artistes qui feront la renommée d’autres publications
arabes (mieux payantes). Citons : MUMTAZ AL-BAHRA et ses séries
d’aventures humoristiques et historiques, et LUJAYNA AL-ASSIL avec ses contes enfantines
ou les légendes héroïques arabes.
En Iraq, pays pétrolier et riche, où la
propagande du régime représente la pierre angulaire de sa politique, MAJALLATI
et AL-MIZMAR bénéficiaient d’une qualité de production de haut de
gamme (impression, format, etc…), et de la présence de dessinateurs et
d’auteurs plus professionnels que son homologue syrien. Son message qui
encourageait le panarabisme ouvrait les portes à des participants arabes et
même occidentaux (moins nombreux) pourvu qu’ils adhèrent à «la cause arabe». Parmi les arabes citons TAREK ASSLI (influence
importante sur les publications), SAFWAT
FARID, ABDELFATTAH AL-SAYYED, MUSTAFA KANNAOUI, et parmi les
occidentaux les italiens ALAIN SANCHEZ et ROVERI,
et le turc SWAT YALAZ. Ces derniers
furent spécialisés dans les bandes dessinées historiques ou héroïques aux
styles figuratifs réalistes. Quant aux iraquiens, citons HAIFA ABDELHUSSEIN, SALAH MOHAMAD
ALI, MALEK MATLABI et CHAFIK MAHDI. La particularité de
MAJALLATI et AL-MIZMAR (qui fusionnèrent en une
publication conjointe du nom de la première après l’embargo contre le régime de
SADDAM
HUSSEIN dans les années 90), fut le développement de séries de bande dessinée
à suivre et des héros adoptés par le public des jeunes lecteurs, tel Kalboun wa Bazzoun (SAFWAT SHARIF), Fatfat wa Mecano (MAY ALSUZ), Juha (ATHEER
SATEH) et la série la plus populaire Chayboub du scénariste ABDALLAH RAOUF et du dessinateur DIA’
AL-HAJJAR.
La Renaissance des années 80
«Beyrouth
plate-forme d’un renouveau?»
L’hégémonie politico-culturelle Égyptienne face
au singularisme Libanais se joua une fois de plus. La Bande Dessinée égyptienne
(et par la suite syrienne et iraquienne) devenue outil de propagande de l’État,
commençait à perdre son éclat vis-à-vis son public. Les chiffres de
distribution chutaient, l’intérêt du public à l’encontre de la production
locale se réduisait, et changeait de cape vers la production importée et
traduite des publications libanaises. Il fallait attendre la fin des années 70
et la parution à Beyrouth du magazine SAMER, et l’introduction de la Bande
Dessinée adulte avec JAD pour que la production locale de
bande dessinée reprenne le souffle.
Dès son lancement en 1979, SAMER reprend l’expérience de SAMIR
à ses débuts. Elle a misé sur une production exclusivement panarabe, où
le divertissement est le mot d’ordre (sans oublier toutefois les limitations
sociales). Financée par un éditeur privé indépendant, à vocation politique
nationaliste arabe, la revue devenait le point de rencontre des dessinateurs et
écrivains arabes. Rassemblés autour du comédien et scénariste syrien NOUHAD
KALAI (le caractère des aventures principales de la revue dessiné par MELHEM
IMAD) des auteurs qui ont déjà fait carrière dans d’autres magazines rejoignaient
le projet. Parmi ceux qui ont fait la gloire de SAMER à citer le
dessinateur MUMTAZ AL-BAHRA et le scénariste ADEL ABULCHANAB dans la
série Maymoun le singe, NASRI
SAYEGH, YASEEN REFAIYEH (scénaristes), LOUJAYNA ASSYL (dessinatrice) et ses
contes de fées populaires, et MIKE NASREDDINE et la série Chater Hassan au style sophistiqué des
supers héros américains.
De par son originalité, et la place
primordiale donnée à la bande dessinée dans ses pages, SAMER influencera une série de
publication qui restaient toutefois moins audacieux : AHMAD, MAJED, AL-ARABI AL-SAGHIR,
BASSEM, et autres, tous à tendances conservatives et plutôt islamiques.
Les évènements du 11 Septembre 2001 vont encourager le retour en force de
publications affiliées ouvertement à des partis politiques (surtout
islamistes) ; MAHDI (de contenu religieux «Shiite», subventionné par le Hizbollah), et FARES dédiée à la cause
palaisienne et proche de l’idéologie du HAMAS.
Il faut aussi attendre le début des années
80 pour qu’une nouvelle BD, pour adultes, voie le jour : Au Liban avec JAD
(Georges Khoury), Carnaval (1980),
une première BD influencée par la guerre civile est publiée en album
(innovation du genre), suivi de deux autres Sigmund
Freud (1983), Shéhérazade (1984).
C’est avec lui que la BD fut introduite en tant que telle dans les quotidiens à
grande diffusion (An-Nahar, As-Safir),
et les magazines littéraires (Al-Makassed).
En 1986 il fonda un atelier de Bande Dessinée qui regroupa des amateurs devenus
par la suite professionnels, et publiaient sous le nom de MUHTARAF JAD (JadWorkshop). L’équipe regroupait des
dessinateurs qui ont marqué le monde de la BD libanaise et le monde du dessin
animé libanais jusqu’à nos jours tel que LINA GHAIBEH et EDGAR AHO. Leurs publications
couvraient quotidiens et magazines, et leur album Min Beyrouth (De Beyrouth) qui retraçait des scènes de vie
quotidienne de guerre est devenu iconique pour le genre.
Une expérience reprise tardivement avec un
groupe de passionnés de bande dessinée publiant une revue-fanzine AL-SAMANDAL,
qui ouvrait ses pages à la libre participation d’amateurs ou de professionnels,
arabes ou occidentaux. Parmi ceux d’expression arabe citons, TAREK
KHOURY et sa série Tarek
Al-Khurafi, et Lena MERHEJ dans son récit autobiographique Mrabba Wa Laban. Entre-temps MAZEN
KERBAJ jouait en solo, et auto-publiait ses albums d’expression
française, avant de s’étaler en arabes sur les pages du quotidien AL-AKHBAR.
ZEINA ABI-RACHED quant à elle, se distinguait par ses récits
autobiographiques de guerre à travers ses albums.
Timidement, l’Egypte, avec la privatisation
de certains secteurs, suivit le modèle libanais, et commençait la publication
de suppléments de quotidiens qui devenaient vite des revues indépendantes.
Ainsi ALAEDDINE (1993) née au sein de la prestigieuse Dar
Al-Ahram rassembla autour d’elle une nouvelle génération de bédéistes
sous la direction artistique d’AHMAD LABBAD. Pour la première fois
dans ce pays on voit paraître des noms d’auteurs-dessinateurs. Parmi les plus
illustres, WALID NAYEF dans les aventures de ALA’, MUHAMAD JABALI et
la série Super Abdo, et le talentueux
MAGDY
AL-SHAFEI avec Yasmine et Amina, et
qui sera le premier à introduire la BD adulte en Egypte avec son album METRO
(2008) qui lui attira la colère de la censure et fut introduit en justice. Son
album marquait un tournant dans l’histoire de la BD égyptienne.
Le Maghreb cet inconnu
«Dualisme
culturel»
Le Maghreb arabe, quand à lui suivait un
développement différent, caractérisé par l’influence coloniale jusqu’`une
période tardive, et la pratique du français comme langage d’expression, et du
fait restait loin de se propager dans le reste du monde arabe. Ainsi des
pionniers qui font aujourd’hui la marque de la bande dessinée maghrébine, sont
peu connus en Egypte et les pays du Levant. Un pionnier comme RACHID
AIT KACI (Algérie, 1940) avec sa série la plus connue Bas Les Voiles et dont l’œuvre se
distribuait sur une multitude de journaux, magazines locaux et internationaux,
de AL-MUJAHID,
JEUNE
AFRIQUE allant jusqu’à PLAYBOY!, n’est connu que parmi les
professionnels du métier. C’est aussi le cas de SLIM (de son vrai nom Menouar Merabtène) et la série Zid Ya Bouzid (1969) qui débutait dans
le quotidien AL-MUJAHID, et où une partie de l’histoire de l’Algérie est ici
résumée. Bouzid et Zina deviendront aussi célèbres que Richa crée par MANSOUR AMOURI à la même
époque.
Une publication cependant va marquer
l’histoire de la BD algérienne et Maghrébine. M’QUIDECH (Algérie, 1969)
éditée par la SNED (Société nationale
d’édition et de diffusion) aujourd’hui disparue, proposait une alternative
aux publications occidentales nombreuses à l’époque. Parmi son équipe des
dessinateurs-auteurs qui marqueront l’histoire de la BD maghrébine : Mohamed Aram, Ahmed Haroun, Maz, Slim et Brahim Guerroui. D’autres talents vont rejoindre l’équipe au fil du temps : Tenani, Aïder, Assari, Tidadini, Zeghidour,
Rahmoune, Hebrih, Aït Hamoudi, Ferhat, Ryad, Beghdadli, Oulmane, Khiari.
M’QUIDECH
cessa d’exister en 1974, pour se ressusciter en 1978 exclusivement en arabe
mais loin d’égaler le succès de sa version originale (20,000 exemplaires pour chaque édition arabe et française).
AL-MANCHAR (La Scie) pris la
relève en 1990. Un journal bimensuel indépendant sous l’initiative de SID
ALI MELOUAH, la publication regroupe des dessinateurs
enthousiastes avec un mélange de textes
satiriques, de dessins et de bandes dessinées politiques et sociales. Son
succès (200,000 exemplaires) lui assurait un autofinancement, sans toutefois
dépasser le cadre géographique du Maghreb (obstacle du langage). Le succès du AL-MANCHAR
fut suivi par un autre périodique satirique BAROUD (La Poudre) 1992 crée par une partie de
l’équipe de la première.
Une période de terreur dans les années 90
allait mettre fin à l’activité effervescente de la BD maghrébine surtout en
Algérie où la violence des islamistes visait les artistes et les intellectuel.
La BD arabe a déjà ses noms de martyrs : Dorbane,
Brahim Guerroui (dit Gébé), Saïd Mekbe.
Peut-on toujours parler d’une bande
dessinée panarabe? D’une bande dessinée d’expression qui dépassera les
frontières linguistiques, ethniques, politiques et géographiques d’un monde
arabe qui s’étend de «l’Océan jusqu’au Golfe» selon le fameux slogan
arabe ? Une question dont la réponse se formule aujourd’hui dans les rues
tumultueuses du Caire, de Tunis, de Tripoli et autres villes à venir…
Georges Khoury (jad)
Beyrouth
février 2011